Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Andrew Bolton, conservateur du Costume Institute : « Le vêtement demande un engagement de tous les sens »

Avec son tapis rouge truffé de stars dans des tenues invraisemblables, le gala du Met a tendance à éclipser l’exposition de mode qu’il sert pourtant à financer. Cette édition 2024, qui a eu lieu à New York le 6 mai, n’a pas fait exception. Mais il serait dommage de passer à côté de l’exposition « Sleeping Beauties : Reawakening Fashion » (« belles endormies : réveiller la mode »), qui ouvre ses portes le 10 mai au Metropolitan Museum of Art (Met), car elle ambitionne de montrer le vêtement comme on ne l’a jamais vu au musée : vivant.
Le parcours du visiteur a été pensé comme une série d’alcôves où l’on écoute, respire, palpe, observe des tenues ; la nature sert de fil conducteur, comme métaphore de la fragilité, du caractère éphémère et cyclique de la mode. Des robes abîmées, parfois vieilles de plusieurs siècles, font face à des créations beaucoup plus modernes. On croise un veston fleuri de 1615, une robe Christian Dior brodée de pétales, une pièce drapée d’Iris van Herpen qui évoque les ailes d’un papillon, ou une coiffe Philip Treacy en forme de rose renversée. La technologie et le travail de chercheurs permettent à chaque fois de mieux appréhender le vêtement. Andrew Bolton, commissaire de l’exposition et conservateur du Costume Institute, le département mode du Met, s’explique sur ce projet ambitieux.
L’idée m’est venue lors de l’exposition sur Karl Lagerfeld [présentée au Met au printemps 2023] : une petite fille de 6 ou 7 ans a demandé à un gardien ce qui se passerait si elle touchait un manteau de fourrure où il était écrit « ne pas toucher ». En guise de réponse, il a approché sa main du vêtement et une alarme stridente s’est mise à hurler. Ça m’a fait réfléchir : les règles qui régissent un musée sont très frustrantes, pour la petite fille, pour les adultes, et pour moi aussi. Quand un vêtement entre dans la collection d’un musée, son statut change complètement, il devient un objet d’art qui ne peut plus être touché, ni manipulé. Il est exposé derrière une vitrine, dans la pénombre. Le seul sens qui reste pour l’apprécier, c’est la vue.
Le vêtement est conçu pour être porté en trois dimensions, pour être vu en mouvement, pour être entendu, pour être senti. Hormis le goût, il demande un engagement de tous les sens, contrairement à la peinture ou à la musique. Le point de départ de cette exposition, c’était de réduire le fossé entre les règles du musée qui limitent son appréciation à la vue, et la nécessité de faire appel aux autres sens.
Il vous reste 63.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish